Olivier de Serres écrivain et Philosophe

i L'écrivain

Olivier de Serres, homme de lettres. C’est délibérément que nous faisons ainsi figurer en bonne place la dimension littéraire de notre personnage: son style dru et imagé n’a-t-il pas contribué de façon décisive au succès de son œuvre?
Comment caractériser l’art de l’écrivain qu’est Olivier de Serres? 

iCertains critiques l’ont jugé prolixe : c’est méconnaître la variété des sujets qu’il aborde, et le caractère encyclopédique de ses conceptions « ménagères ». N’y a-t-il pas lieu de regretter plutôt, à la lecture de certains passages pleins de vivacité, d’imagination et de poésie, que les développements ne soient poussés davantage?
D’autres censeurs acceptent mal sa propension manifeste à truffer son texte de citations latines. A notre époque, c’est peut-être un travers; ce n’en était pas un à celle de la Renaissance.
En tout cas, son œuvre ne ressemble à aucune de celles qui l’ont précédée, en particulier diverses Maisons rustiques publiées ici et là en Europe et qu’Olivier avait soigneusement étudiées. 
Le Mesnage des Champs et l’Astrée connurent l’un et l’autre un immense succès, ce qui prouve que les voies de la réussite sont multiples !

Mieux que quiconque depuis des millénaires que l’on cultive le sol, Olivier de Serres a su discourir simplement de mille choses, enseignant l’art rustique comme personne ne l’avait fait avant lui, avec clarté, précision et agrément.

Ce qu’il faut retenir, c’est le caractère exceptionnel des qualités littéraires d’Olivier de Serres. Homme d’action et de terrain, il est aussi et avant tout un homme de lettres, ou plutôt la plus belle action de sa vie c’est sonThéâtre. Il se présente ainsi à son époque et encore à la nôtre, comme un champion de la communication écrite. C’est là un point important à souligner dans un monde où n’a cessé de s’amplifier le volume de la communication orale et visuelle.

(In Un précurseur : Olivier de Serres. Pierre CORNET.) 

Le style d’Olivier est superbe, on peut le redire. Chaque paragraphe du texte contient plusieurs phrases sur lesquelles le lecteur s’arrête pour les relire, sourire et chercher dans son entourage quelqu’un à qui les dire ! 

(In Portraits d’agronomes. BOULAINE et LEGROS.p.16 Lavoisier.) 

i Le philosophe, l’humaniste


L’humanisme est ce mouvement d’idée de la Renaissance qui a mis à l’honneur l’étude des anciens auteurs, grecs et latins ; mais c’est aussi une philosophie plaçant au centre de ses préoccupations non pas telle ou telle idée abstraite, mais l’homme concret et complet avec son intelligence, son cœur et ses passions.
Olivier de Serres, dans ces deux acceptions, est bien un humaniste.  i

 

Son éducation fut celle d’un « intellectuel » de la Renaissance. Lecteur infatigable et curieux, il applique à ses lectures un esprit critique tout à fait moderne, sachant garder le meilleur et faire le tri parmi les idées et les usages entre ce qui est digne d’intérêt et ce qui n’est que sottise et superstition.
C’est là qu’apparaît l’humaniste, au sens philosophique du mot. Confiance dans l’homme, méfiance dans les idées…
Comme Descartes, son esprit est tourné vers l’observation des choses et la considération des faits. 

En fait, notre humaniste est doué au plus haut degré de ce que nous appelons l’esprit scientifique, qui procède du doute, de l’expérimentation et de l’analyse critique des faits observés. « J’ai trouvé, nous dit-il, un singulier contentement, après la doctrine salutaire de mon âme, en la lecture des livres d’agriculture » ; ces lectures et les voyages qu’ils a effectués lui ont donné une connaissance complète des pratiques champêtres de son temps et des temps plus anciens.
Mais un siècle avant Descartes, appliquant la première règle de la Méthode, il n’accepte rien qui ne soit évident. « On se méfiera des charlatans, conseille-t-il, et on se fondera sur les choses assurées et sur lesquelles comme presque le touchant du doigt, l’homme d’esprit assoiera solide jugement. » Il faut refuser « toutes les vanités quoiqu’antiques », les « ridicules incertitudes », les « théories bâties en l’air. »

 Première conquête de la Renaissance, la primauté donnée aux arguments de raison sur ceux d’autorité trouve avec Olivier de Serres un ardent défenseur, et dans l’agriculture, un terrain d’élection ; n’est-ce pas là un domaine du savoir, jusqu’alors obscurci d’empirismes mal transmis, d’erreurs, de superstitions, de préjugés qui se sont accumulés au fil des siècles en strates successives sans passer par le tamis du discernement, et que se transmettent encore de bouche à oreille les fermiers et métayers de l’époque, sous le regard sceptique du maître des lieux.

iHardi, certes, lorsqu’il conçoit une amélioration, c’est la prudence qui l’emporte chez lui quand il s’agit de l’adapter. Entre la tradition et le changement, la coutume et le progrès, il cherche constamment le compromis, ce qu’il exprime lui-même par une heureuse formule « la science de l’agriculture est comme l’âme de l’expérience. »
L’ambition de cet homme de culture et d’agriculture est d’être d’abord un praticien de qualité. Il ne s’agit nullement pour lui de fonder une nouvelle agronomie de caractère révolutionnaire ; sa seule prétention est de remettre en cause certaines routines pernicieuses et d’obtenir, par des améliorations successives et soigneusement dosées, un progrès lent, mesuré et sûr. 

Mêlé de très près à l’histoire de son époque et aux sanglantes guerres de religion qui ont ravagé le pays, Olivier de Serres est aussi un grand homme d’action.
Notre huguenot a dû constamment plonger dans le réel. Là aussi c’est en humaniste qu’il se comporte.
Comme son frère, Jean de Serres, il a toujours joué la carte de la réconciliation, plaidant notamment pour les trêves de labourage afin de « permettre que les labours soient faits et les sillons ensemencés ». Chaque fois qu’il prend part aux événements, c’est pour se prononcer en faveur de l’apaisement.

(In Un précurseur Olivier de Serres. Pierre CORNET.) 


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