Le Gazel et l'irrigation du Pradel

L'eau dans le Théatre d'agriculture lieu7

Dans son Théâtre d’Agriculture et mesnage des champs, notre agronome consacre un chapitre important aux « eaux en général ». On y trouve, exposées de façon concrète, les indications relatives aux drainages des champs, à l’installation des puits, au captage de l’eau, aux barrages sur les cours d’eau, au transport de l’eau, à l’irrigation des champs et jardins …

« Commençant par l’eau, je dirai qu’elle surpasse les autres éléments, en ce qu’elle sert d’aliment en abreuvant toutes sortes d’animaux, au lieu que le feu, ni l’air ni la terre ne donnent immédiatement de nourriture … C’est par l’eau que toutes les habitations sont rendues agréables et saines, et tous terroirs fertiles. Quel plaisir est-ce de contempler les belles eaux coulant à l’entour de votre maison, semblant vous tenir compagnie ! »

« n’estant notre maison des champs assise près de la rivière, ni accomodée naturellement de fontaines, ni de ruisseaux, rechercherons curieusement le moyen de nous fournir de bonne eau en si grande abondance, et à moins de frais que pourrons. Sur quoi noterons que de trois sortes principales d’eau y a – il : des sus-terraines et manifestes ; des sous-terraines et cachées ; et de la pluie … De toutes lesquelles eaux tire-on en diverses sortes selon leurs diverses valeurs, qualités et lieux où elles se rencontrent ….. »

« N’est-ce pas l’eau qui, par ses arrosements, convertit la mauvaise terre en bonne, et la rend propre à produire abondamment des arbres et leurs fruits, des foins, les herbes des jardins et beaucoup d’autres biens, en particulier des blés et des vins ? »
« Et, comme par émulation, les uns apprenant des autres, j’ai, en mon particulier, suivi l’invention de Crappone, en la conduite d’une petite eau pérenne : laquelle passant à l’entour de cette mienne maison, arrose ma terre, et finalement se rend à mes moulins… »

Olivier de Serres, Le Théâtre d’Agriculture, Lieu VII, chap.1


drainageL'eau du Gazel

Descendant du plateau des Coirons, réserve naturelle à forte pluviométrie et au sous-sol imperméable, le ruisseau Gazel qui prend ses sources à Mirabel, et la rivière Claduègne (Berzème-St Gineys en Coiron) bordent et limitent le domaine du Pradel tel qu’il se présentait au temps d’Olivier de Serres. Avec la rivière Auzon, descendant de Darbres en Coiron et irriguant les plaines de Lussas, Lavilledieu, StGermain et Voguë, et la rivière Escoutaÿ, descendant de St Jean le Centenier et se dirigeant vers le Rhône à Viviers, le canton de Villeneuve de Berg reçoit du Coiron, à partir de ces quatre principaux cours d’eau, une véritable manne que les moulins et moulinages savaient parfaitement utiliser. Les agriculteurs n’en profitaient pas suffisamment.

Ainsi Olivier de Serres édifia-t-il à l’endroit qui devait être alors la partie septentrionale de son Domaine, une prise d’eau sur le Gazel, à environ 900 mètres de la Bastide. C’est une sorte de bassin creusé dans le rocher, surplombant un saut du Gazel. C’est un lieu naturel particulièrement favorable. Le canal est construit « de pierres plates jointes à vieux ciment ; sa section rectangulaire utile mesure environ 30cm/30cm »
Fernand Lequenne, secrétaire général du Comité Olivier de Serres.
« Mémoires sur la restitution du Domaine du Pradel. » 30 Octobre 1943. Inédit.

Le ruisseau Gazel longe la limite Ouest du Domaine et au Nord-Ouest. Olivier de Serres conçut alors le tracé d’un canal qui, suivant les courbes de niveau du terrain, pouvait avec une très faible pente amener l’eau du Gazel jusqu’à la Bastide et ses jardins. Il le réalisa à ciel ouvert, surplombant sur plusieurs centaines de mètres le lit du Gazel, puis bifurquant au milieu des terres du Domaine, en direction d’une part de la Bastide et des étangs, d’autre part en direction de la mère des Fontaines (voir croquis ci-joint : le Pradel aux temps d’O. de Serres). mere

 

L'embranchement vers la mère des Fontaines, photo ci-contre, devait s’arrêter quelques dizaines de mètres avant celle-ci afin que l’eau traverse une zone créée par Olivier de Serres en décaissant le terrain, en le comblant ensuite par des blocs imposants de basalte déposés sur le fond et surmontés de blocs et pierres de dimensions de plus en plus réduites jusqu’à des plateaux de sable, près de la surface, faisant fonction de plateaux d’épuration de l’eau du ruisseau et de l’eau pluviale. La fontaine, qui était d’abord un captage de sources affleurantes, se voyait abonder, en période de sécheresse par les eaux, filtrées sur sable, en provenance du ruisseau Gazel et empruntant le canal artificiel creusé à cet effet par O. de Serres. L’essentiel des eaux du canal principal se dirigeait d’une part vers une mare, d’autre part vers des étangs et vers le jardin.

Après l’achat du Domaine par les pouvoirs publics, une canalisation a été posée –vers 1925- au fond du canal, canalisation partie en poterie, partie en fonte ; sa section, fort réduite par rapport au canal initial ne permet pas d’utiliser toutes les eaux captables. Un hiver rigoureux, dans les années 1930, ayant fait éclater cette canalisation, elle fut recouverte de terre et de pierres….

Gilles Taulemesse Prise

 

Restauration de la prise d'eau

Des travaux de restauration de la prise d'eau du Gazel ont été entrepris en 2011 à l'initiative de l'institut. Ils ont été réalisés par une équipe de bénévoles durant l'été 2011, sous la conduite de M.... Ils ont permis de dégager et de remettre en eau la prise d'eau. Il serait intéressant de dégager progressivement l'ensemble du canal et de réaliser un chemin de découverte longeant le canal, depuis la bastide jusqu'à la prise d'eau.

 

Le canal du Gazel

Pour implanter le canal d'irrigation et sa prise d'eau sur le Gazel, Olivier de Serres a dû trouver un point de captage suffisamment haut pour permettre à l'eau de s'écouler naturellement, par gravité, jusqu'à son domaine. Il a donc implanté la prise d'eau à 900m de la bâtisse, en aménageant une zone rocheuse dans le lit du Gazel, en surplomb d'un saut du ruisseau. Le canal démarre au niveau du ruisseau, puis il s'accroche à un coteau peu propice à l'agriculture. Il domine progressivement le Gazel de plusieurs dizaines de mètres pour déboucher sur les terres agricoles, au niveau de l'actuelle chèvrerie. Après avoir traversé les bâtiments d'exploitation de la chèvrerie, il longe par la droite le chemin d'exploitation de la chèvrerie, puis le chemin d’accès au Pradel. Ces chemins sont très anciens et ils figuraient, ainsi que le canal, sur le cadastre napoléonien de 1813. Le canal était implanté de façon à économiser les terres agricoles et à ne pas les traverser inutilement.
A l'entrée du Pradel, on voit toujours le fossé dans lesquels se trouve le canal, le long du chemin. Il marque donc l'emplacement du canal et nous l'avions sous les yeux sans le savoir... Ce fossé s’arrête exactement à l'endroit où le canal bifurque vers la chèvrerie en disparaissant sous le chemin ; là même où le sourcier a détecté sa présence...

Bernard Vidal

Pradel


Jacques Besson (1530-1572)
Pasteur à Villeneuve de Berg

Jacques Besson était hydraulicien et mathématicien. Nommé pasteur de l’église réformée en 1561, il fut ministre du culte à Villeneuve de Berg de 1562 à 1564.
Il est hébergé au Pradel par Olivier de Serres, durant cinq mois, du 15 mars 1561 (i.e. 1562) au 15 août 1562.

On peut penser qu’il a inspiré les travaux d’irrigation du Pradel. Ceux-ci ont démarré en 1564, peu après le départ de Besson de Villeneuve de Berg.
A moins que ce ne soit l'inverse : les projets d'irrigation d'Olivier de Serres, ainsi que son moulin de Brialas auraient-ils inspiré Jacques Besson pour ses ouvrages sur l'hydraulique?
En tout état de cause, les deux hommes ont abondamment débattu des problèmes d’irrigation, de sources et de fontaines.

Plus d'info Ici

Bernard Vidal


Joviac

Le chateau de Joviac, à Rochemaure est connu pour ses aménagements hydrauliques inspirés par Olivier de Serres.
Les amis de Joviac Ici


 

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